COMTE : Acide cinnamique chez Prunus avium
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Thèse de sciences présentée à la Faculté des sciences de Lyon
pour obtenir le grade de Docteur de l'Université de Lyon

par





Philippe Comte

Recherches sur l'acide cinnamique et son métabolisme chez Prunus Avium



soutenue le 6 décembre 1958

devant la commission d'examen :
Colonge, J., président
Kuhner, R., Chopin, J., et Mentzer, C., examinateurs

 

 

INTRODUCTION


Les pigments anthocyaniques et flavoniques, malgré la diversité de leur répartition dans les plantes, appartiennent à une même famille chimique, celle du chromanne, dans lequel l’atome d'hydrogène en position 2 ou 5 est remplacé par un groupement phényl.


L'oxydation ou la déshydrogénation en 3 ou 5 du noyau benzopyrannique, d'une part, et la présence de groupements hydroxyles libres ou méthylés sur les noyaux phényl, d'autre part, conduisent à une série de composés assez étroitement liés entre eux.


A ce groupe, peuvent être rattachés les coumarines, les chalcones, les aurones, les catéchines et les leucoanthocyanes, que l'on trouve également en abondance dans les végétaux.


Les anthocyanes sont généralement trouvées sous forme de glucosides, dans lesquels les sucres sont rattachés aux groupements hydroxyles, en position 5 pour les monosides, et en position 3 et 5 dans le cas des biosides. Une simple hydrolyse acide des anthocyanosides libère les anthocyanes correspondantes, dont la coloration rouge intense devient violette en milieu neutre et bleue en solution alcaline.


Les composés flavoniques, de leur côté, existent aussi bien dans les fleurs, les fruits et les feuilles que dans l'écorce, le bois et les racines ; ils s'y trouvent soit à l'état libre, soit à l'état de glucosides, Les flavones et les anthocyanes sont assez étroitement liés et ne différent que dans le nombre et la position des groupements hydroxyles, la nature du sucre combiné et la structure du noyau fondamental. Les méthodes de détection et d'identification ont été depuis peu considérablement élargies par la chromatographie sur papier, qui permet de déceler de très faibles traces de substances.


L'existence de ces différents dérivés est en relation étroite avec la nature même de la plante, car chez certaines espèces, on trouve uniquement des anthocyanes ou des flavones, alors que chez d'autres, les deux types de composés sont souvent mélangés. Des études très intéressantes ont été réalisées par ONSLOW, puis par SCOTT-MONCRIEFF, sur l'évolution génétique de tels pigments chez les végétaux.


Ainsi chez certains mutants de la forme sauvage de Lathyrus, la production de composés flavoniques peut se faire de préférence à celle des anthocyanes, par suite de la présence d'un gène qui favorise la formation des premiers. Le phénomène inverse est possible chez d’autres mutants, où existe un autre gène agissant dans le sens contraire. Ces faits se retrouvent chez de nombreuses espèces, notamment Antirrhinum et Pharbitis, et l'action simultanée des divers types de gènes peut aboutir à la formation commune d'anthocyanes et de flavones. Ceci amène à supposer que chaque gène contrôle un stade particulier de la synthèse des pigments benzopyranniques et les résultats, qui découlent des études effectuées sur Lathyrus, Antirrhinum et Pharbitis, conduisent à un schéma biogénétique Valable pour toutes les espèces.


On remarque ainsi que l'absence de gènes permettant la formation du précurseur C favorise la production de flavones aux dépens des anthocyanes et que le phénomène inverse a lieu en ce qui concerne le précurseur C'. STEPHENS, a constaté in vitro que la quercétine et la cyanidine proviennent d'un précurseur commun, qui conduit à leur formation préférentielle sous l'action de deux types différents de gènes.


Ces travaux montrent qu'il existe effectivement un certain lien de parenté entre les anthocyanes et les flavones, malgré les différences dans leur structure fondamentale. L'idée d'un précurseur commun explique l'hypothèse de ROBINSON, qui s'appuyant sur des données, chimiques, suppose que la phloroglucine, le catéchol et l'aldéhyde glycérique peuvent se combiner pour donner un intermédiaire en C6-C3-C6 commun aux anthocyanes et aux flavones.


La localisation et la répartition chez les végétaux des pigments anthocyaniques et flavoniques varient en fonction de l'espèce botanique, de l'âge de la plante et de nombreux facteurs physiques extérieurs. Cette répartition peut être homogène, chez des espèces qui ne contiennent qu'un seul pigment : ainsi le sarrasin (Fagopyrum tartaricum) ne renferme presque exclusivement que de la rutine, rhamnoside de la quercétine, alors que chez le chou-rouge, par exemple, des quantités importantes de cyanidine ont été mises en évidence. Par contre, chez les plantes qui présentent une grande diversité de pigments, la répartition est sélective. ROBINSON et ROBINSON ont pu isoler de la capucine, un dérivé de la pélargonidine dans les pétales de fleurs, un dérivé de la cyanidine dans le calice et un dérivé de la delphinidine dans les feuilles. De même, WHITE a mis en évidence dans les diverses espèces de Schinopsis (quebracho), que la d-catéchine est principalement localisée à la jonction coeur-aubier du bois et n'existe qu'à l'état de traces dans les feuilles et les branches. Cette répartition semble dépendre essentiellement de la localisation des systèmes enzymatiques responsables des transformations.


D'autres recherches, dont les conclusions sont assez contradictoires, ont été effectuées en vue de connaître l'action physiologique des pigments benzopyranniques sur les végétaux. Relevons surtout les travaux importants de KUHN et LOEW sur le rôle joué par les composés flavoniques dans le déterminisme sexuel chez Chlamydomonas et ceux de SZENT-GYORGYI sur l'intervention possible des flavones dans les mécanismes d'oxydo-réduction qui ont lieu dans les plantes.


L'un des principaux problèmes posés par les pigments benzopyranniques et sur lequel nous nous sommes penchés, est celui de leur biogenèse. Les nombreuses hypothèses émises à ce sujet, préconisent leur formation à partir de molécules simples et l'introduction des traceurs dans les techniques de biochimie végétale a permis d'apporter des données précises à ce vaste problème. L'administration de substances organiques, "marquées" au carbone 14, à de jeunes plants et l'étude des transformations in vitro de tels composés ont abouti à des résultats faisant supposer que les pigments flavoniques se forment essentiellement par condensation d'une unité polyphénolique en C6 avec une unité en C6-C3 du type phényl-propane.

S'appuyant sur le fait que la phloroglucine peut se condenser avec l'acide dinnamique (sous forme de chlorure) pour donner la dihydrochrysine (dihydroxy-5-7 dihydroflavone).


MENTZER émit, en 1952, l'hypothèse suivant laquelle cette réaction serait possible chez de nombreuses espèces végétales, l'acide cinnamique constituant le point de départ des divers dérivés flavoniques connus. En effet, les acides cinnamiques sont présents en quantité assez importante dans les plantes, où ils se trouvent à l'état libre ou estérifiés. Leur fonction et leur métabolisme ont été peu étudiés en comparaison avec les acides aliphatiques, mais il semble qu'ils proviennent, soit d'une oxydation d'acides aminés aromatiques, comme la phénylalanine, soit de précurseurs du noyau aromatique, tel que l'acide shikimique.


II existe, d'autre part, un certain antagonisme entre les isomères cis et trans de l'acide cinnamique et l'on a pu mettre en évidence in vitre que l'action anti-auxine de l'isomère trans est annulée par l'acide cis, lorsque celui-ci est incorporé en même temps que son stéréo-isomère. Les composés flavoniques présentent de leur côté une certaine structure stéréochimique et il est possible que leur formation soit dépendante de la configuration spatiale de leur précurseur.


Dans le but de vérifier, si la forme stéréochimique d'un précurseur tel que l'acide cinnamique constitue l'un des facteurs importants de la biosynthèse des flavones, nous avons été amenés à effectuer la synthèse de l'acide cis cinnamique. A cet effet, nous avons cherché une méthode simple et facilement applicable à la préparation de l'acide cis cinnamique radioactif et seule la transformation de l'isomère trans en isomère cis par irradiation ultra-violette pouvait nous donner de bons rendements chimiques et radio-chimiques.


En outre, l'étude des transformations in vivo d'un précurseur métabolique hypothétique pose le problème de son administration à la plante elle-même. Partant d'une nouvelle technique, mise au point par MENTZER, nous avons essayé de déterminer les diverses transformations subies par l'acide cinnamique radio-actif durant des périodes fixes. Pour ces expériences, le merisier (Prunus avium) a été choisi comme matériau expérimental, d'une part, parce que nous pouvions nous en procurer facilement, d'autre part, parce qu'il renferme à peu près tous les types de pigments flavoniques. Si l'abondance de tels dérivés rend leur étude difficile, par contre elle peut permettre d'élucider les nombreuses inter-relations possibles existant entre eux.


Notre travail se divise donc en deux parties :

- Nouveau mode d'obtention de l'acide cis cinnamique.

- Etude de l'incorporation de l'acide cinnamique 14C-3 au merisier(Prunus avium)



 

CONCLUSIONS GENERALES.


1) En vue d'étudier les différences éventuelles de comportement des isomères cis et trans cinnamique, au cours de la biogenèse des dérivés flavoniques à partir de tels précurseurs, nous avons été amenés à synthétiser l'acide cis cinnamique. La méthode développée consiste à soumettre l'isomère trans à une irradiation ultra-violette, puis à séparer le mélange des deux isomères par chromatographie de partage sut colonne de poudre de bois. Les rendements sont voisins de 50 .


2) Cette méthode a été également utilisée pour la préparation de l'acide cis hydroxy-4 cinnamique déjà connu, et de l'acide cis hydroxy-4 méthoxy-3 cinnamique, qui n'avait pas encore été décrit dans la littérature.


3) La même méthode nous a servi à préparer l'acide cis cinnamique 14C-3, avec extension possible à l'obtention d'autres isomères cis radioactifs de la série cinnamique.


4) L'étude de l'incorporation de l'acide trans cinnamique 14C-3 au Prunus avium nous a permis de constater que cet acide est rapidement utilisé dans la plante et que la radioactivité est presque entièrement localisée dans les dérivés flavoniques (95%). L'accumulation de ces composés est plus importante dans les feuilles, plus faible dans les tiges et presque nulle dans les racines.


5) La chrysine et la dihydrochrysine semblent peu radioactives, contrairement à ce que l'on pourrait espérer. De même, plusieurs substances, du type flavone et flavanone sont également radioactives, mais leur identité n'a pu encore être établie.


6) Les flavonols des feuilles ont été plus particulière-ment étudiés et parmi ceux-ci, c'est la galangine qui est principalement marquée. Sa formation au cours du temps, bien que lente, est plus importante que celle du kaempférol et de la quercétine. D'autre part, cette dernière ne semble pas provenir directement de la galangine en passant par le kaempférol comme intermédiaire, mais plutôt de composés flavoniques correspondants, dont le noyau phényl latéral porte deux groupements -OH en 3' et 4'.


7) La d-catéchine radioactive a été isolée des tiges de Prunus avium et sa radioactivité est quatre fois plus importante que celle de la quercétine. L'étude ultérieure de sa dégradation nous permettra de déterminer si la radioactivité est localisée sur le carbone 2 porteur du phényl latéral. Dans ce cas, en effet, la catéchine proviendrait bien directement de l'acide cinnamique 14C-3 incorporé.


L'ensemble de ces travaux constitue une première contribution à l'étude du métabolisme intermédiaire des composés flavoniques, après incorporation de précurseurs en C6-C3, du type acide cinnamique.







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